Prêt pour l'IA

Encadré 20 | De l’importance de travailler avec les acteurs terrain existants 

Pour réussir dans un monde transformé par l’IA, le Québec doit doter sa population d’un véritable référentiel de compétences en IA. En mobilisant les milieux éducatifs, scientifiques et professionnels, cette démarche permettra d’adapter la formation aux besoins du marché et d’assurer une appropriation éthique, critique et durable de l’IA.

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ENCADRÉ 20

Pour augmenter la littératie numérique et en IA des élèves et des étudiants, il sera nécessaire de compter sur la collaboration de deux types d’acteurs clés.

Premièrement, il faudra assurer que des acteurs spécialisés, comme les 200 personnes-ressources du RÉCIT, participent : 

aux réflexions menées en amont de tout projet en IA; 

aux expérimentations qui seront réalisées en IA; 

aux travaux d’accompagnement des milieux. 

Le RÉCIT est un réseau axé sur le développement des compétences des élèves par l’intégration des technologies. C’est principalement par la formation, le soutien et l’accompagnement du personnel enseignant que le RÉCIT réalise ce mandat. 

Deuxièmement, il sera impératif de soutenir les acteurs qui promeuvent la culture scientifique à travers le Québec et de collaborer avec eux. Certains organismes, comme Science pour tous et l’Association des communicateurs scientifiques du Québec, pourront jouer un rôle central dans cette démarche en fédérant les initiatives et les organisations de médiation scientifique. Pour initier le jeune public à l’IA comme outil, il sera possible pour les écoles de travailler de concert avec des organisations comme Digital Moment ou Le code des filles, qui offrent des ateliers scolaires sur l’informatique et les technologies où les enfants apprendront le codage, le fonctionnement des ordinateurs ou la robotique. Les organismes pourront aussi se prévaloir de programmes, comme NovaScience, pour aborder, avec le public scolaire, des enjeux entourant les fausses informations et l’éthique de l’IA, par exemple. 

[EXTRAIS DU RAPPORT]

Créer un référentiel de compétences en IA 

Un référentiel de compétences est un outil qui définit les compétences que la personne exerçant un métier ou une profession particulière doit posséder et, donc, qu’elle devrait acquérir dans le cadre de sa formation ou de son développement professionnel. La création d’un référentiel de compétences dans le domaine de l’IA est capitale pour le Québec. En effet, il servira à orienter la conception des programmes et des cours des établissements d’enseignement et des formations des organisations. Il permettra également de guider les travailleurs dans le choix des formations d’appoint qui pourraient leur être utiles et inspirer les organisations, comme les ordres professionnels, dans le développement de profils adaptés à leur réalité particulière. 

Par exemple, le gouvernement du Québec a dévoilé en 2019 le Cadre de référence de la compétence numérique dont l’objectif est de soutenir le développement des compétences numériques des Québécois, c’est-à-dire « d’aptitudes relatives à une utilisation confiante, critique et créative du numérique pour atteindre des objectifs liés à l’apprentissage, au travail, aux loisirs, à l’inclusion dans la société ou à la participation à celle-ci ». Il est accompagné d’un Guide pédagogique ainsi que d’un Continuum de développement. « Il s’agit de l’une des rares mesures ayant une portée interordres (de l’éducation préscolaire à l’enseignement supérieur, y compris la formation générale des adultes et la formation professionnelle) et s’adressant à la fois aux apprenantes et aux apprenants ainsi qu’aux membres du personnel enseignant ou professionnel. » 

À l’heure actuelle, il n’existe pas de véritable référentiel de compétences indiquant aux étudiants, aux professeurs, aux enseignants ou aux travailleurs québécois lesquelles ils devraient acquérir ou posséder pour devenir des développeurs ou des utilisateurs responsables du numérique et de l’IA. Le Cadre de référence de la compétence numérique traite de l’IA, mais il le fait superficiellement et de façon limitée : « la maîtrise de la compétence numérique doit […] permettre à l’individu de faire face aux innovations technologiques qui se concrétiseront dans les années à venir, notamment les avancées en matière d’intelligence artificielle. Il saura poser un regard critique sur ces innovations et sera pleinement capable de se les approprier et d’y recourir s’il juge qu’elles peuvent lui être utiles. » 

Le Référentiel québécois des compétences du futur de la CPMT constitue un autre outil pertinent qui « offre un langage commun à tous les acteurs clés en emploi en ce qui concerne les compétences nécessaires pour soutenir la résilience des individus et des entreprises dans ce contexte de grande transformation ». Cependant, il ne mentionne l’IA qu’à deux reprises (dans le cadre d’exemples) pour rappeler l’importance de former les travailleurs afin qu’ils comprennent le potentiel de l’IA et les risques associés à l’utilisation de données personnelles dans un projet d’IA. 

Un autre outil, le Profil de la main-d’oeuvre en intelligence artificielle, sciences des données et mégadonnées au Québec produit par TECHNOCompétences, comporte aussi des informations qui pourraient servir à aiguiller les établissements d’enseignement et les organisations. Toutefois, ce document se limite à présenter les experts du développement de l’IA, par exemple le scientifique de données, en dressant une liste sommaire de leurs tâches et de leurs compétences techniques et transversales. En outre, ce document n’aborde pas la question du déploiement de l’IA et celle des compétences périphériques requises pour assurer qu’un tel déploiement se fasse de façon responsable grâce au jugement critique, au sens éthique, à la gestion du changement, etc. 

Par ailleurs, les référentiels de compétences sectoriels, qui sont utilisés comme base pour créer des formations continues ou comme outil pour la reconnaissance de diplômes en santé, en enseignement, en administration ou en génie notamment, ne traitent pas toujours adéquatement de la montée du numérique et tiennent peu compte, voire pas du tout, de celle de l’IA. Par exemple, les mots « numérique », « informatique », « technologie » ou « IA » sont absents du Référentiel de compétences infirmières, qui a été adopté en 2016. Le Référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante (2020) comporte 13 compétences, dont la douzième s’intitule « Mobiliser le numérique : utiliser le numérique afin d’en faire bénéficier les élèves ainsi que l’ensemble des actrices et acteurs éducatifs ». L’IA en est cependant absente. De son côté, le Référentiel de compétences des traducteurs, terminologues et interprètes agréés se limite au numérique pour dire que ces spécialistes de la langue, pour « utiliser les technologies de l’information et des communications générales et spécialisées », doivent assurer la « mise à jour constante de leurs connaissances sur les avancées technologiques », savoir définir leurs « besoins en technologie » et faire une « utilisation adéquate de la technologie ». Avec l’accélération de l’intégration de l’IA dans ces divers champs de pratiques, l’adaptation de ces référentiels sectoriels afin qu’ils intègrent les considérations liées au développement et à l’utilisation responsables de l’IA sera essentielle. L’Office des professions du Québec pourrait également mettre à jour son Guide de soutien à l’élaboration, l’appropriation et l’actualisation des référentiels de compétences au sein des ordres professionnels québécois pour soutenir ces efforts collectifs. 

Des projets ont récemment été entrepris pour pallier ces lacunes. Par exemple, l’école de l’IA en santé du CHUM a développé le Référentiel de compétences pour l’intégration de l’IA en santé, qui est le fruit de 18 mois de recherche, d’analyses et de conception. Il a été développé avec la collaboration d’experts en pédagogie et en intelligence artificielle, ainsi qu’avec des professionnels de la santé et des patients. L’Université McGill et le cégep John-Abbott ont quant à eux bénéficié du soutien du Pôle montréalais d’enseignement supérieur en IA (récemment rebaptisé le Pôle interodres de Montréal [PIM])) pour « comprendre comment les outils d’IA peuvent être utilisés dans la pratique infirmière, comprendre les implications pédagogiques, éthiques et sociales inhérentes à ces outils, identifier et formuler de nouvelles compétences pour l’enseignement des soins infirmiers au niveau des cégeps et des universités, et faire des recommandations au Consortium des cégeps anglophones de McGill. » De son côté, un groupe piloté par la TELUQ a profité de l’appui du PIA pour définir un référentiel des compétences que les gestionnaires devraient détenir, « dans une perspective éthique et durable », pour favoriser l’utilisation et la gestion des technologies et de l’IA par les organisations manufacturières prenant le virage numérique. Mais ces projets demeurent peu nombreux et le financement requis pour les entreprendre est souvent insuffisant. 

Il faudra toutefois aller plus loin pour que la population québécoise puisse acquérir les compétences dont elle a besoin pour réussir dans un monde transformé par l’IA. Par ailleurs, la réussite de la mise en oeuvre de la recommandation prioritaire 3 en dépendra, afin d’assurer une meilleure adéquation entre l’offre d’enseignement et les besoins du marché du travail. C’est pourquoi le Conseil encourage le gouvernement du Québec à soutenir l’élaboration d’un référentiel de compétences en IA, d’une part, puis sa déclinaison en référentiels de compétences sectoriels, d’autre part, afin que différents acteurs puissent l’utiliser pour développer des formations scolaires, postsecondaires et professionnelles adaptées à leurs besoins (RC-13). 

Consulter le rapport complet ici.

Publié le 5 juin | Mis à jour le 10 juin