Prêt pour l'IA

Encadré 18 | Améliorer la distribution des livres grâce à l’IA 

Entre promesses et défis, l’IA redéfinit les secteurs culturel et environnemental. Pour le Québec, il est crucial d’optimiser son potentiel tout en encadrant ses dérives : adapter le droit d’auteur, protéger les artistes, réduire l’empreinte écologique et miser sur une IA frugale et durable.

Lecture 9 min.

ENCADRÉ 18

La montée de l’IA dans le secteur culturel présente aussi des occasions intéressantes sur le plan de la gestion. Dans le monde du livre, des éditeurs, des distributeurs et des libraires se servent ainsi de l’IA pour déterminer le nombre d’exemplaires à tirer d’un ouvrage en fonction de son contenu et de son lectorat, ou pour améliorer la distribution des livres.

La montée de l’IA dans le secteur culturel présente aussi des occasions intéressantes sur le plan de la gestion. Dans le monde du livre, des éditeurs, des distributeurs et des libraires se servent ainsi de l’IA pour déterminer le nombre d’exemplaires à tirer d’un ouvrage en fonction de son contenu et de son lectorat, ou pour améliorer la distribution des livres. Pour la chaîne de distribution du livre, la montée de l’IA signifie qu’il serait possible d’automatiser en temps réel les commandes de livres depuis les détaillants jusqu’aux distributeurs et aux imprimeurs, voire jusqu’aux éditeurs. 

« De la réception et de l’entreposage des livres à l’exécution des commandes et leur livraison en passant par la facturation des marchandises, tous les aspects de la distribution peuvent profiter d’une automatisation par l’IA et la robotique. […] [U]n système d’IA pensé à la fois pour la diffusion et la distribution, et raccordé aux données en amont et en aval de la chaîne du livre, pourrait certainement optimiser le fonctionnement du secteur, en réduisant les fameux 25 % à 35 % de retours usuels, par exemple. Mais pour cela, une concertation des acteurs sur la question de la collecte et de la mise à disposition des données est nécessaire ».

[EXTRAIS DU RAPPORT]

Deuxièmement, comme mentionné précédemment dans le présent document, le gouvernement du Québec devra veiller notamment à : mieux comprendre les effets que l’IA aura sur les travailleurs; soutenir les efforts entrepris pour les former à l’utilisation l’IA; aider l’ensemble des acteurs économiques à déployer les processus et appliquer les façons de faire qui les aideront à tirer profit de l’IA tout en créant des milieux de travail propices à l’épanouissement de leurs employés ou collaborateurs. En raison des bouleversements majeurs que l’IA y provoquera, de sa fragilité relative88 et de son caractère unique, le secteur des arts et de la culture du Québec et la protection de ceux qui y oeuvrent devraient faire l’objet d’une attention particulière. 

Le gouvernement du Canada vient de lancer une consultation sur l’éventuelle révision du droit d’auteur face aux défis posés par l’IA. « Les questions qui seront à l’étude durant la consultation et qui sont présentées dans le document de consultation concernent : l’utilisation d’oeuvres protégées par le droit d’auteur aux fins de l’entraînement des systèmes d’IA; la titularité et la propriété des droits en ce qui concerne le contenu produit par l’IA; la responsabilité, particulièrement si le contenu produit par l’IA viole les droits d’auteur d’oeuvres existantes.89 » Ainsi, le Conseil encourage le gouvernement du Québec à collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral, ces prochaines années, pour accélérer la modernisation du droit d’auteur afin, notamment, d’empêcher l’incorporation et l’utilisation du travail, de l’image et de la voix des artistes et des travailleurs de la culture, sans leur consentement, dans les modèles d’IA générative (RC-9). 

Minimiser les impacts environnementaux de l’IA tout en tirant parti des possibilités qu’elle offre 

L’IA présente un important potentiel pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques90. Ainsi, le recours à l’IA nous permet de mieux anticiper des phénomènes météorologiques violents – inondations, feux de forêt, tempêtes de verglas, etc. – et à nous y préparer ou anticiper certains de leurs effets, par exemple sur les mouvements migratoires. Comme le révèle le rapport du Partenariat mondial sur l’IA, Climate Change and AI91, l’IA jouera un rôle dans la protection de la biodiversité en facilitant l’analyse à distance de la santé des espèces animales et de leur migration. Elle pourra aider à réduire la consommation que les agriculteurs font de l’eau et des engrais92. En ce qui concerne la production d’énergie, l’IA pourra aider les organisations à prévoir les conditions climatiques dans une région donnée et à planifier l’installation d’infrastructures coûteuses, comme des éoliennes ou des fermes solaires, avec dix ou vingt années d’anticipation. L’IA permettra en outre aux organisations d’exploiter les ressources électriques du Québec de manière plus efficace et efficiente. Elle jouera ainsi un rôle majeur dans le développement de batteries toujours plus performantes93 et dans la réduction marquée des coûts de chauffage ou de climatisation des grands immeubles94. Enfin, l’IA pourra aider à décarboner le secteur des transports en aidant à prédire la demande pour différents moyens de transport, en permettant d’optimiser les déplacements de personnes ou de marchandises, et en rendant possible le lancement de bus autonomes. 

Toutefois, le développement et le déploiement de l’IA engendrent d’importants coûts environnementaux, directs et indirects, qu’il est crucial de limiter. Les impacts directs découlent de l’existence matérielle des systèmes et renvoient au cycle de vie des systèmes d’IA – production, transport, opération et fin de vie –, incluant la capacité de calcul utilisée pour entraîner ceux-ci. D’ailleurs, l’entraînement de grands modèles de langage est particulièrement énergivore. Par exemple, le Council on Foreign Relations estime que, comme les superordinateurs utilisés pour faire fonctionner les systèmes d’IA sont alimentés par des centrales électriques et des génératrices de secours, l’entraînement d’un seul système d’IA peut émettre plus de 110 000 kilos de dioxyde de carbone. « En fait, l’utilisation de l’IA dans tous les secteurs génère des émissions comparables à celles de l’industrie aéronautique95 ». La contamination des sols ou de l’eau que provoquera l’extraction des métaux rares nécessaires aux infrastructures de soutien de l’IA – aux serveurs, aux microprocesseurs, etc. – représente un autre effet négatif direct de la montée de cette technologie. 

D’autres coûts environnementaux sont pour leur part indirects. L’utilisation de systèmes d’IA peut engendrer des impacts négatifs s’ils soutiennent des modèles d’affaires non durables, en exacerbant, par exemple, les impacts environnementaux de secteurs polluants. Il faut également considérer les effets « rebonds » que l’IA pourrait avoir sur la consommation des produits et des services dans lesquels elle est intégrée. Ces effets se produisent lorsqu’un gain d’efficacité réalisé en réponse à un progrès technologique est compensé par une accélération de la consommation de ressources96, ou encore lorsque les gains établis dans les chaînes d’approvisionnement sont déplacés vers une production et une consommation accrue. Par exemple, l’OCDE estime que l’amélioration des algorithmes de recommandation pourrait favoriser un nouvel essor du commerce en ligne, qui aurait des retombées négatives sur l’environnement en raison de la hausse des livraisons à domicile qu’il susciterait97. 

Il importera de bien comprendre et d’évaluer les coûts environnementaux des systèmes d’IA dans leurs différents domaines d’application afin de s’assurer que les avantages surpassent les inconvénients. Car, dans le contexte de l’urgence climatique, ne pas tenir compte de l’empreinte environnementale de l’IA serait une erreur. Seule la disponibilité de données et de connaissances scientifiques avancées sur le lien entre les systèmes d’IA et l’environnement permettra d’élaborer une stratégie cohérente qui permettra au Québec de faire de l’IA un levier efficace de lutte contre les changements climatiques tout en réduisant au minimum la taille de l’empreinte laissée par cette technologie. 

Cela signifie deux choses. 

D’abord, le Conseil encourage le gouvernement du Québec à appuyer la recherche sur l’analyse des impacts environnementaux des systèmes d’IA à tous les stades de leur cycle de vie, de même que les travaux sur l’IA frugale (RC-10). Cette dernière s’avère aussi efficace que l’IA conventionnelle, bien que son développement et son déploiement reposent sur l’application de techniques, de modèles et d’algorithmes moins gourmands en données et en énergie. 

Ensuite, le Conseil encourage le gouvernement du Québec à mettre en oeuvre une stratégie cohérente visant à soutenir les travaux internationaux de développement des méthodes d’évaluation et des indicateurs de mesure de l’empreinte environnementale des systèmes d’IA, notamment en encourageant la participation des acteurs québécois à ces efforts et la diffusion des meilleures pratiques en la matière (RC-11). Ces travaux internationaux ont comme objectifs l’élaboration d’un système servant à noter la performance environnementale des systèmes d’IA par le biais d’un processus d’évaluation environnementale rigoureux. Plus de transparence sera nécessaire de la part des acteurs concernés par la conception et l’utilisation des systèmes d’IA. De surcroît, la divulgation de renseignements par ces derniers permettra de mieux saisir les impacts réels de l’IA sur l’environnement. Ultimement, un tel système pourra mener à la mise en place d’exigences de divulgation de l’empreinte environnementale des systèmes d’IA et des centres de données créés ou déployés au Québec. 

Finalement, le Conseil encourage le gouvernement à soutenir la capacité des organisations québécoises, d’une part, à déceler et saisir les différentes possibilités qu’offre l’émergence de l’IA sur le plan environnement, par exemple afin d’améliorer leur bilan carbone, et d’autre part, à bien évaluer et réduire les impacts environnementaux des systèmes d’IA qu’elles développent ou utilisent (RC-12). À cette fin, différents intermédiaires pourront être mobilisés, qu’ils proviennent du secteur de l’IA, comme IVADO, Mila ou le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), du milieu de la protection de l’environnement ou de la lutte contre les changements climatiques, comme Future Earth, ou de différentes industries du Québec dans lesquelles l’IA sera utilisée, du secteur minier à celui de la construction en passant par l’agroalimentaire. Il conviendra pour ces intervenants de développer des outils, des cas d’usage et des programmes d’accompagnement pour soutenir les entreprises et les organismes publics dans leur exploration et leur appropriation de l’IA à des fins de préservation des ressources ou de lutte contre les changements climatiques spécifiquement. Ces outils pourront être partagés à travers le réseau de formateurs dont le Québec doit se doter en matière d’IA (voir la recommandation prioritaire 4 au chapitre 3 - Former la nation afin que tous les Québécois profitent de l’IA et pour favoriser une adoption responsable de l’IA) pour soutenir une adoption plus responsable de cette technologie. Ces initiatives pourraient se traduire par le financement de nouveaux modèles de collaboration intersectorielle pour la réalisation de projets de recherche et de développement à l’intersection de l’IA, de l’environnement et d’un secteur particulier (p. ex. : l’agriculture). 

Consulter le rapport complet ici.

Publié le 5 juin | Mis à jour le 10 juin