Prêt pour l'IA

Encadré 23 | Les investissements en R-D en IA dans le monde 

Pour que l’IA profite pleinement à la société, le Québec doit miser sur la recherche interdisciplinaire et l’éducation « bilingue » en IA. En s’inspirant des investissements internationaux, il pourra former des experts capables de croiser technologie, éthique et secteur d’application. Une condition clé pour une IA responsable et utile.

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ENCADRÉ 23

La décision de mieux soutenir la recherche sur le développement responsable de l’IA mettra le Québec au diapason d’autres États. Ainsi, aux États-Unis, la National Science Foundation annonçait récemment son intention d’investir 140 M$ dans la création de sept instituts américains de recherche sur l’IA qui auront notamment pour but de mitiger les risques posés par l’IA dans des domaines comme le climat, l’agriculture, l’énergie, la santé publique et l’éducation. Au Royaume-Uni, le Department for Science, Innovation and Technology a débloqué 90 M$ pour la réalisation de recherches visant à rendre l’IA plus fiable et sécuritaire. En France, le gouvernement compte investir près de 3,2 G$ d’ici cinq ans pour déployer l’IA au sein de l’économie tout en soutenant l’innovation dans des domaines prioritaires comme l’IA de confiance et l’IA au service de la transition écologique.

[EXTRAIS DU RAPPORT]

Miser sur l’intersectorialité et l’interdisciplinarité 

Nous vivons dans un monde complexe où les réponses aux défis qui nous guettent requièrent créativité, innovation et collaboration. Ainsi, c’est grâce à l’intersectorialité et à l’interdisciplinarité que le Québec pourra élaborer des solutions dans le secteur de l’IA qui seront véritablement efficaces, et responsables. En effet, c’est en réunissant des spécialistes des technologies, des sciences humaines, de l’apprentissage automatique, des neurosciences, du droit et de l’éthique, entre autres, que le gouvernement pourra assurer le développement et le déploiement responsables, aux quatre coins du Québec, de systèmes d’IA adaptés aux besoins des citoyens. Les acteurs de l’IA en sont d’ailleurs de plus en plus convaincus. Mais les obstacles à la mise en place de véritables processus de collaboration intersectorielle et interdisciplinaire sont nombreux. 

D’abord, aucun programme collégial ou universitaire de premier cycle ne permet actuellement aux étudiants de devenir des experts du développement de l’IA tout en acquérant des connaissances dans un autre secteur ou une autre discipline (p. ex. : droit, philosophie, gestion, foresterie, éducation, etc.) Or, cette pluridisciplinarité s’avérera nécessaire pour développer et de déployer des systèmes de manière responsable qui répondent avec succès aux attentes des utilisateurs. 

De même, aucun établissement d’enseignement supérieur ne peut actuellement fournir aux étudiants en sciences humaines et sociales, en génie, en sciences de la nature, en médecine ou autre, le bagage de connaissances et de compétences dont ils auraient besoin pour tirer pleinement profit de l’IA dans leur discipline principale (p. ex. : préparation de données, statistiques, programmation, apprentissage automatique, etc.). Selon le dernier recensement réalisé sur l’offre de formations en IA, il est possible pour les étudiants en génie, en mathématiques, en médecine, en communication, en économie ou en santé de suivre des cours en lien avec l’IA. Toutefois, ces cours sont peu nombreux, notamment parce qu’il est difficile de trouver les personnes compétentes pour les concevoir et les donner. 

Peu d’étudiants des cycles supérieurs ont l’occasion de devenir « bilingues » en IA, c’est-à-dire d’apprendre à la fois à parler le langage de l’IA et celui d’une autre discipline, comme le droit, l’éthique, la santé, le génie minier, l’enseignement, l’écologie ou la sociologie. Quelques initiatives ont été mises en oeuvre, ici et ailleurs, pour susciter une hausse du nombre de ces spécialistes. Par exemple, le Programme de chaire de recherche double en IA en santé / santé numérique et sciences de la vie des Fonds de recherche du Québec (FRQ) a pour objectif principal « la formation d’étudiants et d’étudiantes des cycles supérieurs ainsi que des postdoctorants et postdoctorantes “bilingues”, afin de les rendre agiles et aptes à travailler simultanément en intelligence artificielle / sciences des données et en sciences de la vie. » Cependant, ces initiatives sont encore trop rares. 

Ensuite, comme l’ont relevé plusieurs participants du groupe de travail sur l’IA et la recherche que le Conseil a mis sur pied dans le cadre de la réflexion collective, la recherche actuelle s’effectue trop souvent en silo. Cela est dû principalement au fait que les chercheurs se spécialisent dans un domaine précis et que les critères de financement et d’évaluation, en recherche, valorisent les projets intradisciplinaires plutôt que la collaboration interdisciplinaire. Certains programmes visent bien sûr à soutenir la réalisation de recherches de ce genre. Par exemple, le programme AUDACE des FRQ « fait place à des projets à haut risque et atypiques, misant sur les maillages intersectoriels et pouvant générer des savoirs radicalement novateurs et porteurs de retombées potentielles considérables, quelle qu’en soit la nature ». Dans le cadre d’AUDACE, les FRQ ont aussi lancé des appels qui ont permis d’utiliser les mégadonnées pour renforcer l’efficacité énergétique, comprendre comment les robots pourraient soutenir la participation sociale des aînés québécois, et mieux prédire les changements sociaux dramatiques. Il conviendrait de renforcer de tels programmes et de les multiplier. 

L’IA doit être comprise et abordée comme étant interdisciplinaire. Le gouvernement du Québec devra donc aider les collèges et les universités à développer rapidement des programmes et des cours qui permettront aux étudiants en sciences humaines et sociales, en sciences de la santé et en sciences de la nature à développer une meilleure connaissance du fonctionnement de l’IA, de son potentiel et des défis associés à son développement et à son déploiement. Il devra aussi aider ces établissements d’enseignement à créer les cours qui rendront les étudiants en IA « bilingues ». Le gouvernement du Québec devra ensuite travailler de concert avec les FRQ, les universités et les collèges, les consortiums et les autres acteurs du réseau de la recherche en IA pour inciter les chercheurs de divers secteurs à collaborer. Cela pourrait notamment signifier l’ajout, dans les programmes et les politiques de soutien à la recherche, de critères particuliers. En somme, le Conseil encourage le gouvernement du Québec à soutenir de manière proactive l’apprentissage de connaissances interdisciplinaires et intersectorielles en IA chez les enseignants, les chercheurs et les étudiants des collèges et des universités du Québec (RC-16). 

Consulter le rapport complet ici.

Publié le 5 juin | Mis à jour le 10 juin